Parentalité : les obstacles persistent

logo-Libération

Les couples homos doivent encore se battre pour faire reconnaître leur filiation en France, notamment lorsqu’ils ont eu recours à la GPA.

Florian Bardou

Le mauvais souvenir de la déferlante bleue et rose de la «Manif pour tous» dans les rues de la capitale a laissé place, chez l’avocate Caroline Mécary, spécialiste du droit de la famille, à une forme de quiétude. «La société française ne s’est pas écroulée. Les gays, lesbiennes et leurs enfants n’ont pas fait sécession. Au contraire, ils ont obtenu une forme de légitimité.» De là à dire que l’ouverture du mariage civil à tous les couples a tout réglé… «Il a fallu en passer par les tribunaux car l’adoption de l’enfant d’un conjoint, par exemple, est toujours conditionnée au mariage, nuance l’avocate élue au Conseil de Paris. Mais au moins, les réactionnaires, s’ils s’expriment encore, ne mettront plus grand monde dans la rue.»

Bataille. En 2013, les gays, les lesbiennes, les bi, mais aussi les trans ont bien gagné une forme de reconnaissance sociale. Mais, notamment en raison de l’abandon de la procréation médicalement assistée (PMA) par le gouvernement socialiste de l’époque, les promesses d’égalité se sont vite heurtées à de nouveaux obstacles. Premier hic : la découverte, en juin 2013, d’une circulaire de la garde des Sceaux Christiane Taubira, adressée aux maires, excluant du droit au mariage certains couples homos binationaux en raison de conventions bilatérales signées entre la France et onze pays (dont la Tunisie, le Cambodge, la Pologne ou la Serbie). Privé de mariage, un couple franco-marocain a néanmoins obtenu gain de cause en cassation en janvier 2015 après deux ans de bataille judiciaire. «Le problème est réglé, assure le militant gay Thomas Linard, ex-porte-parole de l’Inter-LGBT chargé de la famille, mais assez peu de gens sont au courant qu’un nouveau document du garde des Sceaux invite depuis 2016 les parquets à ne plus s’opposer à ces mariages.»

Autre désillusion, selon ce militant du Parti de gauche, «en l’absence de réforme de la PMA et de la filiation», les parents homos sont obligés de passer par le mariage et la justice pour sécuriser leurs familles. «Et très vite on s’est rendu compte que la loi ne protégeait pas tout le monde, notamment les parents et leurs enfants séparés avant l’adoption de la loi, et les parents séparés avant l’aboutissement d’une procédure d’adoption», déplore la présidente de l’association homoparentale les Enfants d’arc-en-ciel, Céline Cester.

Insécurité. Il y a également ces couples de femmes ayant eu recours à une PMA à l’étranger et pour lesquelles les procédures d’adoption intraconjugale sont longues (au minimum six mois), coûteuses en frais de justice et parfois entravées par des juges à Versailles, Aix-en-Provence ou Cahors pour «fraude à la loi». En septembre 2014, la Cour de cassation a cependant mis fin (en théorie) à cette insécurité juridique en considérant, dans deux avis, qu’au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant, le recours à une PMA à l’étranger ne pouvait être «un obstacle» à l’adoption. La coprésidente de l’Association des parents gays et lesbiens (APGL), Marie-Claude Picardat : «C’est pour cela que l’on souhaite que le mariage ouvre les mêmes possibilités de filiation pour les hétéros et les lesbiennes qui ont recours à une PMA.» Mais encore faut-il qu’elle soit ouverte à toutes les femmes, comme l’a promis – pour 2019 – le Président. Il a aussi affirmé que les modes d’établissement de la filiation seraient réactualisés dans notre droit civil.

Prenant exemple sur la loi belge, l’APGL propose que la compagne de la mère biologique dans le cadre d’une PMA soit automatiquement reconnue comme la seconde mère de l’enfant à la naissance. Une présomption de parenté qui vaut déjà pour les couples hétérosexuels ayant eu recours à une insémination artificielle. Me Mécary : «Cela permettrait de ne pas en passer par l’adoption et de désengorger les tribunaux.» D’autres associations militantes préconisent plutôt une reconnaissance volontaire en mairie à la naissance de l’enfant pour que soit reconnu l’engagement dans un projet parental. Tous s’accordent pour dire qu’il est «impératif» que la France ne s’oppose plus à la transcription complète de l’état civil des enfants nés de gestation pour autrui (GPA) à l’étranger, que les familles à plusieurs parents (les coparentalités, par exemple) soient prises en compte et que le mariage ne soit plus un préalable à la reconnaissance des familles homoparentales.