Loi bioéthique: la GPA sème le trouble dans le débat

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Bien qu’opposé à cette mesure, le gouvernement va publier une circulaire sur les enfants nés de GPA à l’étranger.

La gestation pour autrui (GPA) sème la pagaille dans le débat sur la bioéthique. Ce mardi, l’information selon laquelle la Chancellerie préparait une circulaire pour reconnaître «automatiquement» à l’état civil la filiation des enfants conçus par mère porteuse à l’étranger a enflammé les esprits.

Le ministère de la Justice a démenti toute volonté de reconnaissance «automatique» de cette filiation, comme l’affirmait Franceinfo. «Une reconnaissance automatique de la filiation des enfants nés d’une mère porteuse reviendrait à admettre largement les effets produits par une GPA pratiquée à l’étranger et fragiliserait l’interdiction de cette pratique en France», explique le juriste Jean-René Binet, spécialiste de la bioéthique.

Un cheval de Troie

Cependant, une circulaire est bien en préparation à la Chancellerie. Ce document interministériel «sera diffusé dans les consulats et aux officiers d’état civil afin de faciliter la bonne application du droit» selon le ministère. Il devrait confirmer la position du gouvernement, soit l’inscription à l’état civil français du père biologique de l’enfant et l’adoption de ce dernier pour le «parent d’intention» (soit le conjoint du père dans les couples homosexuels ou sa conjointe dans les couples hétérosexuels). Cette adoption passe par un jugement et n’équivaut donc pas à une reconnaissance «automatique». La Chancellerie devrait publier cette circulaire fin septembre ou début octobre: elle attend un arrêt de la Cour de cassation. Interrogée par la haute juridiction sur ce point de droit, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a confirmé que la France pouvait utiliser ce mécanisme de filiation.

Mais cette polémique éclate alors que le délicat projet de loi sur la bioéthique arrive à l’Assemblée nationale. Un texte dont la réforme emblématique – la PMA pour toutes – est justement considéré par ses opposants comme un cheval de Troie de la légalisation de la GPA en France. Ces derniers redoutent que les couples homosexuels, ou hétérosexuels où la femme ne peut pas porter d’enfant, réclament l’autorisation de la GPA dans la foulée de ce nouveau droit, par mesure d’égalité.

«Cette cacophonie montre bien que le gouvernement n’est pas à l’aise sur ces sujets»
Ludovine de La Ro­chère, présidente de la Manif pour tous

Lundi soir, durant leur audition devant la commission spéciale sur la bioéthique, Agnès Buzyn et Nicole Belloubet ont uni leurs forces pour désamorcer cette critique. «Une loi de bioéthique n’est pas une loi d’égalité. Il ne s’agit pas de comparer l’égalité de tous nos citoyens à l’égard de telle ou telle pratique», a insisté la ministre de la Santé, pour combattre l’argument de l’enchaînement PMA-GPA. «Nous sommes toujours arc-boutés sur les questions de non-marchandisation du corps humain. Nous avons des principes fondamentaux qui l’emportent sur cet éventuel glissement», a abondé Nicole Belloubet.

«Il s’agit pour le gouvernement d’une ligne rouge infranchissable, a martelé la garde des Sceaux, ce mardi, à l’Assemblée nationale. Le gouvernement n’entend, par ailleurs, nullement modifier la situation juridique des enfants nés de GPA.» Par le passé, le président de la République a indiqué à plusieurs reprises son opposition à la GPA. Mais Emmanuel Macron s’est aussi dit favorable à la reconnaissance des enfants nés par GPA à l’étranger, sans toutefois préciser les modalités de cette reconnaissance. «Le président de la République a retenu les leçons du mariage pour tous. Son gouvernement fait tout ce qu’il peut pour banaliser et minimiser cette réforme. Cette loi est présentée sous un angle technique et médical et non comme une grande avancée sociétale ou un marqueur politique afin de ne pas donner de carburant aux opposants», décrypte Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de l’Ifop.

Malgré la volonté du gouvernement de déconnecter le sujet polémique de la GPA de la loi de bioéthique, plusieurs amendements ont été déposés sur ce texte pour faciliter la reconnaissance des enfants nés de GPA à l’étranger dans l’établissement de leur état civil. La circulaire à venir du ministère de la Justice a-t-elle été imaginée pour les désamorcer? «Elle n’aura pas la même force qu’un amendement qui viendrait modifier la loi. Elle pourra être attaquée devant le Conseil d’État et risque d’être insuffisante pour faire reconnaître la filiation de ces enfants», note Caroline Mécary, avocate spécialisée dans la défense des droits des familles homoparentales.

«Pourquoi la faire maintenant? Cette cacophonie montre bien que le gouvernement n’est pas à l’aise sur ces sujets, estime pour sa part la présidente de la Manif pour tous, Ludovine de La Rochère. La PMA pour toutes et la GPA sont fondées sur les mêmes principes de filiation sociale, fondée sur le désir des adultes et le détournement de la médecine. Cet engrenage apparaît aujourd’hui de manière plus claire malgré le déni du gouvernement.» Le mouvement, membre du nouveau collectif d’opposition à la loi de bioéthique «Marchons enfants!», a appelé à se mobiliser le 6 octobre dans la rue contre ce texte.