Familles catholiques contre Gleeden : « C’est la victoire de la liberté d’expression »
Au tribunal, les Associations familiales catholiques (AFC) accusaient Gleeden de promouvoir l’infidélité. Elles ont perdu leur procès contre le site de rencontres extra-conjugales.
Est-il légal de promouvoir l’adultère ? En promouvant l’infidélité, le site de rencontres Gleeden viole le Code civil : c’est ce que soutiennent les Associations familiales catholiques (AFC) devant la cinquième chambre du tribunal de grande instance de Paris, ce jeudi 24 novembre.
Les AFC ont assigné en justice la société américaine éditant Gleeden, Black Divine, pour « contester la légalité du site et de ses communications publicitaires ».
Une campagne d’affichage du site de rencontres « entre personnes mariées » avait en effet entraîné de vives protestations ; des affiches avaient même été retirées dans certaines villes d’Ile-de-France. « Tromper son mari ce n’est pas la fin du monde », pouvait-on notamment y lire (au-dessus d’une pomme rouge croquée).
« Business de l’infidélité »
« Ce n’est pas le procès de l’infidélité, ça n’aurait pas de sens, mais du business de l’infidélité », explique devant la présidente l’un des avocats des AFC, Henri de Beauregard. « L’exploitation mercantile du malheur des autres », reformulera-t-il plus tard.
« On met en cause une société qui fait profession d’aider l’ensemble des époux à tromper leurs épouses et l’ensemble des épouses à tromper leurs époux. »
Pour les AFC, Gleeden fait la promotion publique d’un comportement illicite, en violant l’article 212 du Code civil et ses neuf mots.
« Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance. »
Capture du site de rencontres extra-conjugales Gleeden
L’avocate de la société éditrice prend la parole :
« En réalité, [les AFC] instrumentalisent votre prétoire pour faire avancer leurs idées. […] La confédération s’érige en censeur, en porte-étendard d’une morale que la société entière ne partage pas. »
Caroline Mécary, l’avocate de Gleeden, souligne que personne ne force les époux à se tromper. L’infidélité n’est plus une faute pénale ni une « cause péremptoire » de divorce, note-t-elle aussi.
Erwan Le Morhedec, avocat des AFC, assure lui que la fidélité « reste une valeur fondamentale dans chaque union ».
« Ce n’est pas une valeur universelle », rétorque Caroline Mécary.
« Grande violence »
Pour les AFC, les publicités de Gleeden, qui font la « promotion explicite » de l’infidélité, peuvent être d’une « grande violence » pour les personnes trompées ou les enfants ayant pu « voir un couple se déchirer ».
« Vous avez même des encouragements à être infidèle plusieurs fois ! » s’exclame Erwan Le Morhedec quand il décrit le site. Les avocats des AFC martèlent que Gleeden promeut un comportement illicite et antisocial, ce qui est contraire à l’article 4 du Code de déontologie publicitaire.
« Le divorce pour adultère représente 15% des divorces », précise l’avocate de la défense quand ceux des AFC invoquent les difficultés des familles monoparentales ou des mères célibataires.
Caroline Mécary demande un euro de dommage et intérêt et une éventuelle amende civile à l’encontre de l’association.
Plainte irrecevable
Le 9 février 2017, la justice a déclaré irrecevable la plainte des AFC et les condamne à verser 2 000 euros à Blackdivine au titre des frais de justice, rapporte l’AFP qui a consulté le jugement.
La Confédération nationale des associations familiales catholiques considérait que Gleeden violaient l’article 212 du code civil. Le tribunal a répondu que l’obligation de fidélité supporte des exceptions :
« La violation de cette obligation peut ne pas être retenue comme une faute, cause de divorce, soit par exemple parce que les époux se sont déliés d’un commun accord de cette obligation, soit parce que l’infidélité d’un époux peut être excusée par le comportement de l’autre. »
Les avocats des AFC ont précisé que leur client n’a pas encore pris la décision de faire appel ou non de ce jugement « très critiquable ». Pour l’avocate de la société éditrice du site de rencontres, Me Caroline Mécary, «c’est la victoire de la liberté d’expression sur ces bigots animés d’une volonté de censure».